L’histoire de 6 métiers d’excellence qui valorisent l’artisanat du Made in Africa

17 décembre 2022 19 Min Read

Quel métier tu veux faire plus tard ? Si un enfant répond artisan, avouons que beaucoup de parents vont considérer cette activité, plus comme un hobby potentiel que comme un métier d’excellence possible pour l’avenir de leur descendance. Ce constat est le résultat du manque de considération qu’on peut avoir pour les métiers autour des chaînes de production artisanale et artistique dans nos sociétés contemporaines.

En plus, quand on devient adulte, avouons également qu’on a tendance à vouloir casser les prix pour acheter le fruit du travail des artisans. Au point que la valeur financière d’une création peut souvent devenir dérisoire par rapport au temps ou au travail fourni par son créateur. Surtout quand il souhaite vivre de son expertise. Ainsi, dans les sociétés comme l’Afrique noire, où on bénéficie peu de l’effet de levier de l’industrialisation qui permet de créer un cadre plus favorable dans la chaîne de production des créateurs, ces métiers sont effectivement devenus de moins en moins viables. Notamment pour ceux qui en font leur profession principale. On en revient encore à ce manque de considération qui fait que la majorité des étudiants talentueux s’orientent vers d’autres secteurs.

Si ce point de vue se défend sur le court terme, personnellement, je pense que c’est un tort que l’on fait à nos sociétés quand on pense sur le long terme. Un tort, parce que les métiers artisanaux jouent un rôle clé dans le bien-être de nos sociétés en contribuant au maintien de notre indépendance, et en étant la boussole visuelle de nos identités culturelles. Les savoir-faire ancestraux sont facilement banalisés. Pourtant, ils sont la source d’un héritage matériel qui nous aide à nous construire avec authenticité grâce à une esthétique qui nous ressemble, et qui évolue tout en nous rappelant nos racines. Connaître leur valeur est donc notre force, surtout quand on s’unit avec le sens de la responsabilité ! Ça n’a pas de prix ! Et c’est ce qui en fait également des métiers d’excellence quand la qualité est au rendez-vous !

Désolée pour cette longue introduction, mais le sujet de cet article m’est cher. D’ailleurs, ce dernier s’inscrit dans la continuité de l’article sur les tissus made in Africa.

Ici, je vous propose de découvrir l’histoire derrière la confection d’accessoires et de bijoux iconiques d’Afrique de l’Ouest à travers 6 métiers d’excellence : le tisseur de fibres végétales, le tanneur, l’orfèvre, les fabricants de bijouterie perlée, les fabricants de bijouterie avec filage, et l’ébéniste. Ces accessoires sont couramment utilisés sans qu’on ne connaisse forcément les histoires derrière leur confection. Et, pour rappel à ceux qui n’ont pas lu le premier article, même si ces créations ne sont pas toutes totalement produites localement, ces dernières se sont imposées comme des symboles d’une identité africaine dans l’univers de la mode. Faisons les présentations !


1|6. L’EXCELLENCE AFRICAINE AUTOUR DU MÉTIER DE TISSEUSE ET TISSEUR DE FIBRES VÉGÉTALES…

Ce sac à main (photo ci-dessous) de la marque Ghanéenne AAKS est un exemple d’accessoire créé par des artisans qui maîtrisent l’art du tissage de fibres végétales. Ce dernier est fait à partir des feuilles de palmier de raphia qui sont teintes en respectant des jeux de coloris qui s’associent avec harmonie.

D’autres fibres végétales solides couramment cultivées en Afrique sont utilisées pour ce type d’ouvrage. C’est l’exemple de l’osier ou encore le sisal qui servent à créer des accessoires autour de l’art de vivre, entre mode, décoration, et objets pratiques.

Comme dans chaque savoir-faire artisanal, le tissage de fibres végétales est organisé par une division du travail qui dans l’idéal se fait en équipe. Ainsi, on a une chaîne de création où l’on a ceux qui apportent la matière première, ceux qui s’occupent de la confection avec un assemblage des pièces qui respecte un graphisme prédéfini, ceux qui s’occupe de la teinture, et ceux qui contrôlent les finitions.

Ces créations, qui attirent par l’authenticité naturelle de leurs matières premières, sont le produit de techniques anciennes qui ne cessent d’être revisitées, voire réinterprétées.

C’est grâce à la richesse de la diversité des cultures en Afrique que cette technique de travail est à l’origine d’accessoires du quotidien qui valorisent une forme d’art de vivre spécifique à chacun. Par exemple, on a la vannerie Bolga du Ghana avec ses paniers ainsi que ses éventails au design populaire, les bracelets à franges géométriques de Madagascar tissés en raphia, ou encore le chapeau de Saponé (photo ci-dessus) labellisé par le Burkina Faso pour promouvoir et protéger l’artisanat local.

Bonne adresse : les sacs à main en raphia de la marque AAKS (made in Ghana)

Sac à main AAKS au tressage en raphia

2|6. L’EXCELLENCE AFRICAINE AUTOUR DU MÉTIER DE TANNEUR…

Collier en cuir tressé du Mali – Artisanat tamasheq

Le tanneur est l’artisan qui utilise du tanin pour transformer les peaux d’animaux (vaches, chevaux…) en cuir utilisable pour des créations divers. Cela passe par plusieurs étapes de préparation et de traitement : nettoyer les peaux, les assouplir, les saler, les épiler, les huiler, retirer les imperfections, les teindre, utiliser le cuir pour créer des produits utiles ou designs, et présenter un produit fini de qualité.

Dans le domaine des parures, le collier en photo est un exemple de création design à base de cuir qui est une spécialité des artisans tamasheqs.

En plus des bijoux, l’artisanat tamasheq est aussi connu pour le style spécifique de ses sacs, ses malles, ses portefeuilles, ou encore ses sandales, le tout fait avec du cuir. Ce dernier est parfois mêlé au fer, à l’usage du bois d’ébène, la cornaline, l’agate, l’onyx, la turquoise, et d’autres matériaux semi-précieux. Mais le savoir-faire culturel autour de la confection des accessoires touaregs reste fidèle à ses origines.

Dans l’histoire, les Tamasheqs sont des nomades du désert qui ont traversé l’Afrique de l’Ouest, dont l’Algérie, la Libye, le Niger, le Mali, ou encore le Burkina Faso. Ainsi, ils se sont imprégnés de nombreuses cultures que l’on retrouve dans leurs créations qui ont chacune leur propre identité symbolique. De plus, leurs bijoux ont la particularité d’être constitués de motifs géométriques finement gravés, et transmis de génération en génération afin de maintenir cet héritage qui fait leur fierté.

Bonne adresse : la marque de maroquinerie Nilhane dont les créations s’inspirent des cultures du Mali


3|6. L’EXCELLENCE AFRICAINE AUTOUR DU MÉTIER D‘ORFÈVRE…

La boucle d’oreille Fulani (modèle en photo ci-dessous) est un design très populaire en Afrique dans le domaine de la bijouterie en or. Cette dernière à l’allure d’un anneau doré avec une forme de feuilles torsadées au centre. Au fil du temps, de l’or peut être ajouté à cette parure traditionnellement portée par les femmes peules. Cela symbolise la richesse accumulée de la famille de sa propriétaire. Et lorsque les boucles d’oreilles deviennent trop lourdes, leur maintien est renforcé par des cordelettes rouges cachées dans les cheveux.

La boucle d’oreilles Fulani est l’un des exemples de la créativité des artisans africains avec les métaux précieux. La richesse de leur travail s’explique aussi par le fait qu’ils prennent le temps de fournir des créations personnalisées à leur clientèle en utilisant des matériaux nobles.

Le continent africain dispose d’un sol où les métaux précieux et semi-précieux abondent. On y trouve l’or, l’argent, le bronze, le laiton, ou encore les pierres précieuses. L’artisan qui est chargé de magnifier ces métaux s’appelle l’orfèvre. Partenaire des sculpteurs, bijoutiers, et joailliers, l’orfèvrerie est un métier qui demande de la patience ainsi que de l’habilité car, la réalisation d’un objet passe par plusieurs phases : la fonte des métaux, le coulage, la soudure, le martelage, le limage, la gravure, le polissage, l’émaillage, ou encore le montage de produits finis solides et esthétiques. C’est aussi un restaurateur et un réparateur.

Au-delà des boucles d’oreilles Fulani, il existe de nombreux autres exemples esthétiques propres aux savoir-faire ancestraux d’Afrique et facilement reconnaissables au niveau de l’usage fait des matériaux précieux. C’est le cas des croix en argent portées en pendentifs qui viennent d’Éthiopie, ainsi que de la culture tamasheq comme la croix d’Agadez. C’est également le cas des bagues en or imposantes dans la culture akan, et des parures de cheveux fabriquées avec des disques d’or dans la culture songhaï.

Bonne adresse : les créations en laiton de la marque de bijoux Adele Dejak (made in Kenya)

Boucles d’oreilles Fulani en laiton

4|6. L’EXCELLENCE AFRICAINE AUTOUR DES MÉTIERS DE LA BIJOUTERIE À BASE DE PERLAGE…

Collier made in Mali en perles de verre

Le collier ras de cou sur la photo est normalement utilisé en parure de tête au Mali. Fait avec des perles de verre, ce style de bijoux se distingue par des jeux de couleurs aux teintes vives, et par des designs géométriques harmonieux.

Depuis des siècles, les accessoires à base de perlages élaborés sont appréciés en Afrique. Les perles utilisées sont, soit façonnées sur place à l’exemple des perles en terre cuite, soit importées via les échanges commerciaux à l’exemple des perles à chevrons.

Le travail des artisans spécialisés dans ce secteur consiste à produire les perles, les colorer, puis les enfiler en réalisant des designs propres à chaque culture. Ainsi, dans certaines régions, l’esthétique du produit fini peut servir à transmettre des messages symboliques selon les couleurs choisies, les motifs réalisés, ou encore la nature des perles utilisées.

Mis à part les perles citées précédemment, les autres perles couramment utilisées en Afrique sont les perles en cornaline (notamment au Mali), en corail rouge (notamment au Nigeria), mais aussi les perles à base de cauris, de coquilles d’œufs, d’agate, d’ambre, de turquoise…

Ces perles servent à customiser des objets, et à confectionner des parures destinées aux différentes parties du corps (la tête, le cou, les poignets, la ceinture, les chevilles) pour le plaisir ou pour leur sens traditionnel.

Les savoir-faire ancestraux conservés par les brodeurs de perles africains nous permettent d’apprécier la richesse de la diversité des styles de perlages qui existent sur le continent. Par exemple, les Maasaïs (Kenya, Tanzanie), les Xhosa et les Zoulous (Afrique du Sud), produisent des bijoux à base de perles de verre qui sont dotés d’une identité culturelle qui leur appartient. On peut aussi citer les colliers de perles en coquilles d’autruche sculptés par les San (Namibie), ainsi que de nombreux autres exemples.

Bonne adresse : les bijoux de la marque Sidai Designs aux créations inspirées de la culture maasaï (made in Tanzanie)


5|6. L’EXCELLENCE AFRICAINE AUTOUR DES MÉTIERS DE LA BIJOUTERIE AVEC FILAGE…

Variantes de la boucle d’oreilles Fulani, les boucles d’oreilles en photo (voir ci-dessous) sont nommées Jaaro dibbei par les Toucouleurs au Sénégal, et Kwottenai par les Peuls au Mali. Cette parure très populaire dans ces deux pays est construite sous la forme d’un anneau doré au centre, avec les extrémités enveloppées de fil rouge.

En plus de son usage comme boucle d’oreilles, elle peut aussi être accrochée aux cheveux, sur un foulard, être en version mini, en version maxi, ou encore être personnalisée sous la forme de fleurs. Par ailleurs, si dans le passé son port était réservé aux grandes occasions telles que les mariages, aujourd’hui, elles sont portées par certaines femmes dans la vie quotidienne.

De façon générale, la technique de l’enroulage sur une création consiste à intégrer du fil de façon harmonieuse en créant des jeux de couleurs. C’est un savoir-faire artisanal qu’on retrouve en Afrique, notamment pour la confection de bijoux, mais également pour des objets de décoration, et de l’art de vivre.

Bonnes adresses : les créations de la marque Inzuki Designs (made in Rwanda) et les boucles d’oreilles Vessel de la marque Pichulik (made in Afrique du Sud)

Variante de la boucle d’oreilles Fulani

6|6. L’EXCELLENCE AFRICAINE AUTOUR DU MÉTIER D’ÉBÉNISTE…

Collier avec pendentif en bois sculpté – Artisanat tamasheq

Sur cette dernière photo, vous avez le modèle d’un pendentif en bois d’ébène fabriqué au Niger par un artisan tamasheq. Ce dernier est finement gravé à la main sur la partie supérieure faite en argent.

À l’instar des artisans tamasheqs, l’ébéniste est un artisan qui connaît les différentes essences de bois qu’il mélange souvent à d’autres matériaux via un travail de sculpture. Il est généralement formé en apprentissage, période où il apprend à fabriquer des pièces uniques et en série par la collaboration avec des designers, en maîtrisant la géométrie dans l’espace. Cela passe par la découpe du bois, le rabotage, le placage, l’assemblage des pièces, ou encore le travail de finition avec l’application de vernis.

En Afrique, comme ailleurs, le bois est considéré par certains comme un matériel chargé d’un magnétisme doté d’ondes positives. Par ailleurs, le respect grandissant de la nature par une catégorie de consommateurs, et les effets néfastes de la déforestation incitent de plus en plus d’artisans à travailler à partir de matériaux recyclés.

Au final, dans l’ensemble des spécialités artisanales vues dans cet article, les créateurs qui passent du statut d’artisan au statut prestigieux d’artiste renommé, ce sont généralement ceux qui font des ventes qui atteignent les marches de l’univers du luxe. Mais, est-ce que c’est le but ultime des meilleurs avant d’y arriver ? À méditer.

Bonne adresse : le bracelet Orbit Bangle de la marque de bijoux Ami Doshi Shah (made in Kenya)

Si on peut retenir une chose, notamment en Afrique noire, c’est que le fruit du travail des métiers créatifs est tellement accessible qu’on oublie parfois que l’artisanat fait partie des domaines d’excellence pour un pays.

Soyons donc les promoteurs naturels d’un nouveau rapport à l’artisanat, où on reconnaît aussi bien la créativité que l’excellence des professions autour. Leurs compétences sont un héritage à reconnaître et à célébrer visuellement, parce qu’elles ravivent notre mémoire culturelle collective. De plus, si chacun fait individuellement l’effort d’apprécier ces métiers avec un autre regard, un plus grand nombre acceptera de payer le juste prix mérité pour les gardiens de nos savoir-faire artisanaux antiques. Cela rétablira la valeur financière que ces professions méritent, en passant du statut d’activités de subsistance au statut d’activités qui sont une source de développement. Et cela en fera des métiers attractifs qui attirent les nouvelles générations par sens. À nouveau estimées, ces activités ne seront donc plus vues comme le dernier recours professionnel pour certains. Cela aidera la chaîne de transmission d’experts en recherche d’apprentis talentueux à perdurer de manière plus efficace et qualitative.

Les exemples comme le projet Asantii au Rwanda donne de l’espoir, car ils montrent que ce rêve peut devenir une réalité dans un écosystème national et continental favorable !

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Au plaisir de vous lire en commentaire.

(Par Salimata)

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